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8 avril 2022
PL 32 sur la liberté académique dans le milieu universitaire: pas de loi plutôt que cette loi
Québec, le 8 avril 2022 — Après les espoirs suscités par le Rapport de la Commission Cloutier, le Comité exécutif du SPUL accueille, dans la plus grande déception et avec beaucoup d’inquiétudes, le Projet de loi no 32 sur la liberté académique dans le milieu universitaire dont l’adoption, dans son état actuel, constituerait, contrairement à ce qu’on pourrait croire de prime abord, un net recul pour la protection de la liberté académique des membres de la communauté universitaire.
Plusieurs voix se sont déjà élevées pour souligner que ce projet de loi écarte plusieurs des éléments fondamentaux qui étaient préconisés par le rapport Cloutier. L’absence de ces éléments rend ce projet de loi particulièrement dangereux, parce que susceptible d’avoir des effets contraires à ceux qui étaient visés par ce même Rapport. Nous considérons qu’en la matière, on aurait tort de considérer qu’une loi « incomplète », vaut mieux que rien. Nous sommes plutôt convaincus qu’il est de loin préférable de ne pas avoir de loi que de voir celle-ci être adoptée en l’état.
Le principe de la liberté académique reposant sur le respect de l’indépendance des institutions universitaires et, individuellement, des membres de la communauté universitaire impliqués dans l’enseignement et la recherche, toute intervention législative sur la question ne peut se justifier que si elle a pour objectif d’uniformiser ces garanties d’indépendance à la grandeur du Québec.
Dans son état actuel, la proposition législative de la ministre de l’Enseignement supérieur ne respecte pas trois conditions minimales au cœur des recommandations du Rapport Cloutier et sans l’inclusion desquelles ce projet de loi devrait être tout simplement retiré :
- Intégration de la définition complète de la liberté académique qu’on retrouve dans la Recommandation de 1997 de l’UNESCO[1], laquelle reconnait explicitement la capacité des membres de la communauté universitaire de critiquer publiquement toute institution (y compris celle au sein de laquelle ils/elles œuvrent)[2];
- Renforcement des obligations des institutions universitaires de prendre fait et cause pour les collègues qui sont pris à partie par des tiers pour avoir exercé leur liberté académique, que ce soit en raison de leur enseignement ou recherche[3]; et
- Reconnaissance de l’autonomie et indépendance des institutions universitaires par rapport au gouvernement, le principe même de la liberté académique visant justement à protéger ces mêmes institutions d’éventuelles ingérences de l’État au sein de ce qui relève de la vie universitaire[4].
Il existe, bien entendu, plusieurs autres éléments qui pourraient être bonifiés dans cette version du Projet de loi no 32, et nous entendons bien sûr participer aux consultations parlementaires qui seront consacrées à l’étude de ce projet de loi, mais nous souhaitions souligner ici l’importance cruciale de ces trois conditions minimales, sans lesquelles la liberté académique – qui est une garantie essentielle pour permettre aux membres de la communauté universitaire de mener à bien la mission d’intérêt public des institutions universitaires – ressortirait nettement affaiblie de l’adoption du Projet de loi no 32.
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SOURCE
Louis-Philippe Lampron, président Syndicat des professeurs et professeures de l’Université Laval (SPUL) spul@spul.ulaval.ca Téléphone : 418-656-2955 Sur la toile : https://www.spul.ca |
[1] Recommandation concernant la condition du personnel enseignant de l’enseignement supérieur, UNESCO, 1997, [en ligne : https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000160495].
[2] La définition retenue de la liberté académique, à l’article 3 du Projet de loi no 32, est nettement insuffisante et, en n’étant pas suffisamment spécifique, laisse la porte ouverte à l’application de restrictions/pressions internes qui pourraient être opposées à des membres de la communauté universitaire qui adopteraient des positions critiques de leurs administrations universitaires ou de celles de partenaires des universités au sein desquelles ils/elles œuvrent.
[3] Contrairement aux recommandations claires du Rapport Cloutier sur cette question, aucune disposition n’a été prévue à ce sujet dans le Projet de loi no 32.
[4] L’article 6 du Projet de loi no 32, qui permet à la ministre de l’Enseignement supérieur « ordonner à un établissement d’enseignement de prévoir dans sa politique tout élément qu’il indique » est proprement surréaliste et diamétralement opposé au principe même de la liberté académique.