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Hiver 2018 – Numéro 74
Conseil universitaire du 4 décembre 2018
Les membres approuvent la mise à jour de la politique de reconnaissance des centres de recherche proposée par la Commission de la recherche
Monsieur Charles M. Morin, président de la Commission de la recherche, présente aux membres du CU la mise à jour de la politique de reconnaissance des centres de recherche telle qu’adoptée en mai 2013. Il identifie les nouvelles informations qui apparaissent désormais dans cette politique. Ces informations ont trait aux points suivants : la prise en compte plus exhaustive de la dimension internationale de la recherche et de la formation, la contribution au développement durable, les nouveaux modes de diffusion du savoir et les nouvelles modalités de collaborations interdisciplinaires, la présentation plus détaillée des critères de reconnaissance des centres et des étapes menant à leur première reconnaissance institutionnelle ou au renouvellement de celle-ci. Il souligne que la nouvelle version de cette politique propose une définition des membres réguliers et régulières des centres. Celle-ci arrime les étapes de leur évaluation quinquennale à la période de reconnaissance institutionnelle accordée par le CU, généralement pour une période de cinq ans, et sous la recommandation de la Commission de la recherche.
Le dossier de présentation de cette nouvelle version de politique contient des dispositions majeures qui ont été rappelées par le président Morin. Ainsi, un centre de recherche est un regroupement de chercheures et chercheurs qui élaborent et réalisent ensemble une programmation de recherche scientifique thématique « en vue d’assurer, dans un contexte universitaire, le meilleur traitement d’un objet de recherche déterminé ». Le membre régulier est un professeur ou une professeure, dirigeant un programme de recherche autonome, qui consacre au moins 50 % de son temps à des activités s’inscrivant dans la programmation du centre, la formation et l’encadrement des étudiantes et étudiants compris. Cette personne est en général titulaire d’une subvention de recherche en tant qu’investigateur principal ou investigatrice principale.
Quels critères sont retenus pour établir la viabilité d’un centre de recherche ? Cette politique y répond : la viabilité d’un centre est établie sur la base du leadership de sa direction, du soutien interne et externe dont il bénéficie, de son effectif étudiant ainsi que du nombre optimal de chercheures et chercheurs qu’il rassemble. Enfin, pour voir son statut institutionnel renouvelé, le centre doit soumettre deux mois avant la date d’échéance de sa reconnaissance institutionnelle un dossier complet à cette fin à la Commission de la recherche. À défaut de quoi son financement sera suspendu. Et pour ravoir le même statut, il devra entreprendre des démarches comme s’il était un nouveau centre.
Le Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient (CIRAM)
Le Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient (CIRAM) a été créé en 2014 en tant que centre rattaché à l’Institut québécois des hautes études internationales (HEI). Centre désigné « en émergence » au mois de février 2017, il compte 13 membres réguliers et 12 membres associés. Les membres réguliers sont issus de huit départements rattachés aux six facultés suivantes : la Faculté des sciences sociales (FSS), la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH), la Faculté de droit (FD), la Faculté des sciences de l’administration (FSA), la Faculté des sciences de l’éducation (FSE) et la Faculté de théologie et des sciences religieuses (FTSR). Le CIRAM a pour mission de former une communauté multidisciplinaire de chercheures et chercheurs qui s’intéressent à des enjeux sociétaux touchant le Moyen-Orient et l’Afrique. Il accueille 126 étudiantes et étudiants inscrits aux cycles supérieurs ainsi que deux stagiaires postdoctorauxSa programmation scientifique comprend les cinq axes suivants : 1- la religion, la politique et l’espace public ; 2 – la guerre, la violence et la paix, 3– l’économie politique de la globalisation ; 4 – la création et la transmission des savoirs ; 5 – l’environnement et le développement durable.
Le Conseil universitaire accorde le statut de centre reconnu au CIRAM pour une période de trois ans. Il demande à sa direction de déposer dans six mois, auprès de la Commission de la recherche, une clarification sur les différents statuts de ses membres et sur son mode de gouvernance. Il exige qu’elle revoie ses critères d’accueil des membres étudiants. De plus, dans 18 mois, le CIRAM devra mettre à jour ses données factuelles conformément à la recommandation de la Commission de la recherche. En outre, sa programmation scientifique devra être mise à jour en rationalisant le nombre de ses axes de recherche. Et il devra apporter un meilleur équilibre entre les activités de sa mission scientifique et celles de sa mission sociale. Enfin, le CU souhaite que dans trois ans, il puisse rendre compte des efforts qu’il aura déployés pour favoriser la diplomation des étudiantes et étudiants encadrés par ses membres réguliers.
EN BREF
- Le programme de baccalauréat en administration des affaires de la Faculté des sciences de l’administration veillera à ce que la formation qu’il donne aux étudiantes et étudiants leur permette de « devenir des utilisateurs efficaces des technologies de l’information du monde des affaires » selon la recommandation du Comité institutionnel d’évaluation des programmes (CIEP) ;
- Les programmes de maîtrise avec mémoire et de doctorat en génie des matériaux et de la métallurgie ainsi que les programmes de maîtrise recherche et de doctorat en génie des mines ont tous été évalués. À propos de ces derniers programmes, le CIEP demande « que l’on dynamise la recherche par des partenariats avec l’industrie et des chaires de recherche » ;
- L’évaluation périodique de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société (Institut EDS) a été approuvée par le CU, lequel reconnaît son statut institutionnel pour les cinq prochaines années.
Jacques Rivet, cc
Entrevue avec Cory Andrew Labrecque
Professeur à la Faculté de théologie et de sc. religieuses
Q– Vous avez donné un nouveau cours à la session d’automne 2018 sur «L’éthique religieuse et l’environnement». Il n’y a aucun doute que vous y étiez bien préparé.
R– Je suis un bioéthicien qui est intéressé aux enjeux éthiques sur le plan médical et environnemental. Pendant une douzaine d’années – à l’Université McGill et ensuite à l’Université Emory (Atlanta, USA) – j’ai donné des cours sur l’éthique, la religion, l’environnement, et la médecine. J’ai un baccalauréat en anatomie et biologie cellulaire, une maîtrise en bioéthique, et un doctorat en éthique religieuse de l’Université McGill. Au niveau de la recherche, je m’intéresse particulièrement à la complexité du concept de la « personne ». Plus jeune, j’ai vécu une épreuve familiale avec la maladie d’Alzheimer de ma grand-mère que nous avons accueillie à la maison pour en prendre soin. Je me souviens qu’on me disait : « Elle n’est plus véritablement ta grand-mère parce que ce n’est plus la même personne que tu as connue en raison de sa maladie.»
J’ai alors été sensibilisé à la question de l’identité de la personne du point de vue philosophique et théologique. La science médicale et les sciences en général ne m’ont pas semblé être un instrument adéquat de réflexion concernant ce problème. La question est profondément interdisciplinaire. Alors, lorsque j’étais étudiant du premier cycle en anatomie, j’ai pris des cours facultatifs en éthique et en sciences religieuseset j’y ai trouvé un outil pour l’examiner comme telle dans une perspective analytique sérieuse. Après avoir complété mon baccalauréat, j’ai entrepris un autre baccalauréat, en sciences religieuses celui-là. Je me suis retrouvé à un carrefour disciplinaire et j’ai alors décidé de concilier mes passions pour la médecine, l’éthique, et la religion. Ainsi, le domaine de la bioéthique m’a permis de réaliser cette synthèse. J’ai rédigé un mémoire de maitrise sur le concept de la « personne » dans le contexte de la maladie dégénérative – comme l’Alzheimer – qui rend, selon certains chercheurs, le souffrant autre que lui-même.
Q– À propos de la maladie de votre grand-mère, vous vous êtes demandé pourquoi elle n’était pas considérée, d’après certains, comme une personne?
R– Exactement. La bioéthique est un domaine interdisciplinaire qui engage, d’une manière constructive, le contexte clinique, la loi, les croyances religieuses et spirituelles, la réflexion éthique, et il faut aussi y inclure la santé environnementale. La bioéthique est ouverte à des questions complexes de ce genre qui exigent la participation et la contribution de plusieurs voix. Dans le cas de ma grand-mère, je voulais décortiquer – et même contester – l’idée que la définition de la personne devrait s’appuyer sur les fonctions de l’être en question – comme la rationalité, la conscience de soi, et d’autres. Si l’état de personne est quelque chose, selon certains chercheurs, que l’on atteint progressivement avec un certain nombre de fonctions intactes, la prochaine question est : pourrions-nous le perdre si ces fonctions nous laissent ?
Q– Quel défi principal comptez-vous relever dans votre enseignement du nouveau cours dont le thème est « l’ éthique religieuse et l’environnement »?
R– Je cherche à explorer, à travers les diverses traditions religieuses, les valeurs qui s’y trouvent comme ressources susceptibles d’aider à faire face à la crise écologique qui s’annonce ainsi qu’à questionner celles qui seraient contre-productives à cette fin. En somme, je m’efforce d’adopter une approche constructive, analytique et ouverte à propos des problèmes de l’environnement en m’inspirant de ces traditions. Et je souhaite inculquer à mes étudiant.e.s cette même ouverture d’esprit.
Q– Vous arrivez à une première étape de votre carrière universitaire qui est propice à l’innovation et à la création. Vous sentez-vous stimulé et inspiré par vos étudiantes et étudiants à ce sujet?
R– Dès mes premiers échanges avec les étudiantes et étudiants au début de mon enseignement, j’ai réalisé, en raison de leur intérêt et de leur enthousiasme, qu’être professeur était moins une tâche qu’une mission et, mieux encore une vocation. Je l’observe maintenant ici comme, précédemment, à l’Université McGill et à l’Université Emory. Leurs questions sur des problèmes souvent difficiles à solutionner me stimulent. Il faut partir de leur réalité en abordant des sujets inspirés par la vie quotidienne et l’actualité. Il faut aussi étudier des cas pratiques comme, par exemple, celui d’un jeune enfant de cinq ans dont l’état de santé en phase terminale pose la question de savoir s’il faut poursuivre les traitements médicaux agressifs ou recourir aux soins palliatifs. Un tel cas aborde le problème du pouvoir décisionnel des parents et celui de l’implication de l’enfant dans le choix à faire à ce sujet.
Q– Je pose souvent la question suivante aux professeures et professeurs : comment conciliez-vous votre tâche d’enseignement avec celle de la recherche, sachant que cette dernière s’avère un critère prépondérant pour l’avancement dans la carrière universitaire?
R– À mon avis, l’enseignement et la recherche s’alimentent mutuellement. Car il est évident que les questions qui préoccupent les étudiant.e.s dans le cadre de l’enseignement sont également celles qui sont étudiées dans la recherche. Un professeur comme moi doit donc se consacrer à l’une et à l’autre tâche. Actuellement, je rédige un ouvrage qui s’inspire d’une approche dite « trans-humaniste » laquelle consiste à tenter d’améliorer les capacités cognitives de la personne en utilisant la science et la technologie comme instruments fondamentaux au service de cet objectif. À ce propos, les transhumanistes se préoccupent de problèmes humains qui accaparent aussi la théologie et les sciences religieuses comme la lutte contre le vieillissement et contre la mort. Dès lors, pour faire le lien entre l’enseignement et la recherche, un professeur doit placer une question comme les capacités cognitives de la personne au centre de sa réflexion et de son analyse pour y arriver.
Q– Quand vous rédigez un ouvrage, est-ce que vous vous adressez surtout à vos étudiantes et étudiants?
R– Tout dépend de l’ouvrage. Je travaille présentement à la rédaction de trois ouvrages. Le premier livre est sur le concept de la personne dans le contexte de la maladie d’Alzheimer. Le deuxième est sur les religions et l’environnement. Et le troisième, comme je l’ai dit, porte sur le transhumanisme et réfléchit à la prolongation radicale de la vie humaine à la lumière de la tradition catholique. Ce travail vise les personnes engagées dans le magistère et mes étudiant.e.s qui proviennent de toutes les disciplines scientifiques. Il a pour but de participer à la conversation qui s’exprime souvent dans mes cours entre celles et ceux formés dans les sciences médicales et celles et ceux rompus aux sciences religieuses. Il vise à prolonger une situation de dialogue entre ces personnes que j’estime idéale en tant que bioéthicien
Jacques Rivet, cc