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Communicateur civique

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Hiver 2021 – Numéro 89

Conseil universitaire du 2 février 2021
Séance virtuelle

Rapport sur l’internationalisation de la formation

« UNE SOURCE INESTIMABLE POUR NOUS AIDER À PLANIFIER »

Le rapport de la Commission des études sur « L’Université Laval au diapason du monde : l’internationalisation de la formation » a reçu l’approbation quasi unanime des membres du Conseil universitaire et soulevé l’enthousiasme du vice-recteur aux affaires externes, internationales et à la santé, M. Rénald Bergeron, qui y voit « une source inestimable pour nous aider à planifier le futur de l’Université Laval à l’international ». Présenté par la présidente de la Commission, Marie Audette, il totalise 161 pages et contient 51 recommandations. Celles-ci portent, entre autres, sur les questions linguistiques, les aides financières, les compétences numériques, la mise à niveau de la formation en vue de l’accès aux cycles supérieurs d’étude, le respect des politiques de l’Université par ses partenaires internationaux. Il est proposé que, lors de l’évaluation et la création de programmes, leurs objectifs d’internationalisation de la formation soient explicites. La 35e recommandation attire particulièrement l’attention en raison de son originalité. Elle s’énonce comme suit : « Que l’on délivre une maîtrise de sortie par conversion des activités réussies aux étudiantes et étudiants en situation d’abandon de doctorat, ayant complété au moins 45 crédits de doctorat et satisfait aux exigences attendues de la maîtrise telles que définies dans le Règlement des études. ».

Voici les noms des professeur.e.s ayant pris part aux travaux pour l’élaboration de ce rapport entre 2017 et 2020 : Philosophie, théologie, lettres : Patrice Bergeron, Guy Bonneau, Isabelle Clerc, Émilia Inès Deffis, Angela Ferraro, Alain Lavigne ; Administration,  éducation, sciences sociales : José Audet, Lucie Deblois, François Franchel, Maude Laberge, Nadia Naffi ; Sciences de la santé : Karine Cloutier, Pierre Leclerc, Juliana Santos ; Sciences pures et appliquées : Mohammed Aider, Jean-Yves Chouinard, Marc Cocard, Vincent Goulet, Julie Jean.

La liberté d’expression à l’Université

L’unanimité s’est manifestée à propos de « L’énoncé sur la protection et la valorisation de la liberté d’expression à l’Université Laval » tel qu’élaboré par le comité-conseil ad hoc et dont les principes « traitent de la liberté d’expression et non de la liberté universitaire, [laquelle] est déjà enchâssée dans les conventions collectives pertinentes. »   À ce propos, l’énoncé définit la liberté universitaire en s’inspirant de la définition de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU), laquelle « protège le droit d’enseigner, d’apprendre, d’étudier et de publier sans craindre l’orthodoxie ou la menace de représailles ou de discrimination ». Mais qu’en est-il d’une professeure qui intervient comme experte sur la place publique lorsqu’elle est consultée par un média sur un sujet qu’elle enseigne à l’université en raison de sa résonnance dans l’actualité du moment ? Sa liberté universitaire ne se prolonge-t-elle pas au-delà de sa salle de cours ? L’énoncé ne semble pas prévoir un tel cas de figure. À moins que le comité-conseil puisse y répondre à la faveur du travail qu’il poursuivra bientôt sur les modalités d’application de cet énoncé.

Par ailleurs, il faut rappeler que, le 3 novembre 2020, le Conseil universitaire a approuvé un énoncé préliminaire sur la liberté d’expression à l’Université (voir Document, chronique numéro 87).  La version officielle semble avoir été renforcée, si on la compare à la version préliminaire, comme l’indiquent les deux extraits suivants à propos de l’engagement de l’Université :

Engagement – version présentée au CU du 2 février 2021

L’Université Laval a un rôle à jouer dans le développement de la pensée critique des individus. Dans ce cadre, tout sujet peut être abordé et devant ceux qui sont controversés, l’établissement évite la censure et favorise la prise de parole. Elle invite les personnes qui tiennent des propos polarisants à faire preuve de sensibilité et de bienveillance. Aux membres qui désirent se soustraire à l’expression de contenus jugés offensants, elle propose plutôt de débattre en faisant preuve d’ouverture et d’écoute.

En tant qu’établissement d’enseignement et de recherche et [en tant] que communauté, l’Université Laval s’engage donc à protéger la libre circulation des idées, même celles qui sont controversées, dans le respect des lois, des conventions collectives et des règlements en vigueur, et à offrir un environnement propice aux échanges, aux débats et au dialogue.

Engagement – version présentée au CU du 3 novembre 2020

En tant qu’institution et communauté, l’Université Laval s’engage à protéger la libre circulation des idées, même les plus controversées, et à offrir un environnement propice et sécuritaire aux échanges, aux débats, au dialogue et à la médiation. Elle joue ainsi pleinement son rôle dans le développement de la pensée critique des individus. Devant les sujets controversés, elle évite la censure et favorise la prise de parole. Aux membres qui désirent se soustraire à l’expression de contenus qu’ils ou elles jugent offensants, notamment en créant des espaces fermés, elle propose plutôt de débattre en faisant preuve d’ouverture et d’écoute.

Le doyen de la Faculté d’aménagement, architecture, art et design, Alain Rochon, président du comité-conseil sur la liberté d’expression précise qu’il y a eu onze réunions de travail. Deux inquiétudes ont guidé ce travail. Un premier souci a concerné la possibilité que des mensonges soient colportés à tout vent. Une seconde inquiétude a eu trait à l’enseignement de sujets sensibles dans les cours. Par ailleurs, le président Rochon a repris la distinction entre la liberté d’expression et la liberté universitaire en précisant que « la liberté universitaire est une forme de la liberté d’expression. Mais la liberté d’expression n’équivaut pas nécessairement à la liberté universitaire. » Il estime que la liberté universitaire, qui concerne « les enseignants » et l’institution, va toujours être défendue par l’Université. Et il insiste : « Ça c’est clair, elle se portera toujours à la défense de ses enseignants. » Enfin, le dépôt de l’énoncé est une première étape dans le cheminement du comité-conseil qu’il préside. En terminant, il annonce que la prochaine étape sera de s’attaquer à ses modalités d’application.

BRÈVES

  • L’évaluation des programmes de baccalauréat et de maîtrise en architecture a été approuvée. Les examens et les travaux devront être corrigés dans un délai raisonnable. Les méthodes d’évaluation des travaux d’équipe devront permettre de mesurer les apprentissages de chaque personne et les critères d’évaluation des ateliers devront être plus explicites ;
  • Le doyen de la Faculté des lettres et des sciences humaines, Guillaume Pinson, va s’assurer que les cours obligatoires du baccalauréat en sciences du langage, de la maîtrise et du doctorat en linguistique soient donnés sur une base annuelle afin de permettre aux étudiant.e.s de tous ces programmes de mieux cheminer. Il veillera à ce que l’offre des cours à option soit annoncée à l’avance ;
  • Le Centre de recherche en organogénèse expérimentale (LOEX) devra transmettre à la Commission de la recherche un plan visant à augmenter le nombre de stagiaires postdoctoraux à la suite du renouvèlement de son statut de centre de recherche institutionnel pour les cinq prochaines années.

                                                                                                                                                                                          Jacques Rivet, cc

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DOCUMENT

Les zones sacrificielles du Projet Laurentia
Commentaires déposés à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC) dans le cadre de la consultation publique sur le projet Laurentia

Par 90 professeures et professeurs de l’Université Laval

Abdoulaye Anne (éducation), Michel Alary (médecine), Henri Assogba (communication), Nadia Aubin-Horth (biologie), Luc Audebrand (administration), Pierre Ayotte (médecine), Barbara Bader (éducation), Kristin Bartenstein (droit), Célyne Bastien (psychologie), Pascale Bédard (sociologie), Renée Bilodeau (philosophie), Maude Bouchard (aménagement et architecture), Bruno Bourassa (éducation), Luc Brès (administration), François Brochu (droit), Alexandre Bureau (médecine), Étienne Cantin (relations industrielles), Josette Castel (médecine), Yves Caumartin (médecine), Isabelle Clerc (communication), Maxime Coulombe (lettres et sciences humaines), Elaine Champagne (théologie et sciences religieuses), Johanne Daigle (sciences historiques), Pénélope Daignault (communication), Aimée Dawson (médecine dentaire), Emilia Ines Deffis (littérature), Maria De Koninck (médecine), Nolywé Delannon (administration), François Demers (communication), Jean-François Desbiens (sciences infirmières), Marie-Hélène Deshaies (travail social), Yves Desjardins (nutrition), Jean-Philippe Després (musique), Patrice Dion (agriculture et alimentation), Sabrina Doyon (sciences sociales), Dominique Dubé (sciences et génie), Philippe Dubé (muséologie), Sophie Dupéré (sciences infirmières), Charles Fleury (relations industrielles), Éric Frenette (éducation), Dan Furukawa Marques (sociologie), Nathalie Gagné (sciences sociales), Gilles Gauthier (biologie), Yves Gendron (administration), Clément Gosselin (sciences et génie), Josée-Anne Gouin (éducation), Jean-Noël Grenier (relations industrielles), Anne Guichard (sciences infirmières), Laurence Guillaumie (sciences infirmières), Thérèse Hamel (éducation), Pierre Issalys (droit), Louis Imbeau (sciences politiques), Denis Jeffrey (éducation), Margot Kaszap (éducation), Louis-Philippe Lampron (droit), Paul-André Lapointe (relations industrielles), Michael Lau (sciences et génie), Yvan Leanza (psychologie), Pierre Leblanc (médecine), Chantal Leclerc (éducation), Mélanie Lemire (médecine), Roger Levesque (médecine), François Lucbert (sciences historiques), Joël Macoir (médecine), Hélène Makdissi (éducation), Pierre-Olivier Méthot (philosophie), Jean Michaud (sciences sociales), Véronique Moulin (médecine), Anne-France Morand (lettres), Sylvie Morel (relations industrielles), Geneviève Motard (droit), Manon Niquette (communication), Michel O’Neil (sciences infirmières), Carole Paradis (langues), Marie-Hélène Parizeau (philosophie), Thierry Petit (lettres et sciences humaines),Philippe Pibarot (médecine), Chantal Pouliot (éducation), Patrick Provost (médecine), Serge Pineault (sciences et génie), Jack Puymirat (médecine), Benny Rigaux-Bricmont (administration), Jacynthe Roberge (aménagement et architecture), Thierry Rodon (sciences politiques), Bernard Roy (sciences infirmières), Martin Simard (géographie), Philippe Tremblay (éducation), Marie-Claude Tremblay (médecine), Christine Vézina (droit), Simon Viviers (éducation)

Le 15 décembre 2020

À Québec, depuis 2012, les débats au sujet des modalités et des impacts des activités portuaires industrielles en milieu urbain sont quasi permanents dans l’espace public. Leur visibilité médiatique témoigne de visions divergentes quant au développement territorial en milieu urbain.

Dans le cadre du projet Laurentia, l’Administration portuaire de Québec (APQ) propose de prolonger la ligne du quai actuel vers l’est de 610 mètres de manière à exploiter un terminal à conteneurs en eau profonde. Le projet d’une superficie de 31,7 hectares comprendrait la construction d’un nouveau poste à quai et d’une digue de rétention qui permettrait l’aménagement d’un espace additionnel de 17 hectares en arrière du quai. Quatorze (14) hectares de milieu aquatique (le fleuve) seraient remblayés. Le projet prévoit aussi la construction de voies ferrées et de voies d’accès, la reconfiguration de deux émissaires et du boulevard Henri-Bourassa avec l’ajout d’un viaduc, le réaménagement d’une partie des terrains actuels du port de Québec pour le chargement des camions et la relocalisation d’une partie de la zone récréotouristique pour l’aménagement de la zone de soutien aux opérations et l’entreposage des conteneurs vides (voir le site de l’AEIC : https://iaac-aeic.gc.ca/050/evaluations/proj/80107?culture=fr-CA).

Les externalités négatives environnementales, sanitaires et écosystémiques

Au vu de la version provisoire du rapport d’évaluation environnementale produit par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada (AEIC), il est évident que les externalités négatives environnementales, sanitaires et écosystémiques de la construction et de l’exploitation du terminal à conteneurs seraient importantes.L’Agence souligne que le projet entraînerait des effets environnementaux « résiduels importants directs et cumulatifs » notamment sur la qualité de l’air, sur la santé humaine ainsi que sur le poisson et son habitat (AEIC, Version provisoire du rapport d’évaluation environnementale fédérale pour le projet Laurentia, p. 233 : https://www.iaac-aeic.gc.ca/050/evaluations/document/136694?culture=fr-CA).

Or, ce n’est pas un détail, les résidentes et les résidents des quartiers directement concernés par le projet Laurentia sont déjà soumis à un air extérieur chargé de particules, d’oxydes d’azote, de dioxyde de soufre, de monoxyde de carbone, de composés organiques volatiles, de divers métaux, de dioxines/furanes et d’hydrocarbures aromatiques polycycliques provenant de secteurs avoisinants [ou même de l’Ontario et des États-Unis ; Direction de santé publique du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, Projet « Mon environnement, ma santé » : volet de la qualité de l’air extérieur, Cadrage du projet, 2018, p. 24 : https://www.ciusss-capitalenationale.gouv.qc.ca/projet-mon-environnement-ma-sante-volet-de-la-qualite-de-lair-exterieur].

Au moment d’écrire ce commentaire, du point de vue de la recherche en justice environnementale, les populations de Limoilou, Maizerets et Beauport peuvent être considérées comme des « fenceline communities » et les quartiers qu’ils habitent des zones sacrificielles (voir Steve Lerner, « Sacrifice zones : the front lines of toxic chemical exposure in the United States », 2010).

En effet, les résidents de la Basse-Ville et de Limoilou-Vanier comptent globalement moins d’années à vivre devant eux. La mortalité prématurée et la mortalité liée à la santé respiratoire y sont plus fréquentes (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, « Les inégalités sociales de santé dans Basse-Ville et Limoilou–Vanier, Regard spécifique sur 18 indicateurs », 2018, p. 27 : https://www.ciusss-capitalenationale.gouv.qc.ca/sites/default/files/docs/DSPub/fas_iss_basse-ville-limoilou-vanier_2018-04-06.pdf?lang=en).

De façon plus précise, par rapport à l’espérance de vie à la naissance dans la Capitale-Nationale (82,5 ans), les personnes nées dans la Basse-ville durant la période 2010-2014 vivront 6 années de moins (76,5 ans) et les personnes nées dans Limoilou-Vanier vivront 2,8 années de moins (79,7 ans) (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, « Les inégalités sociales de santé dans Basse-Ville et Limoilou–Vanier. Regard spécifique sur 18 indicateurs », 2018, p. 22). De plus, les inégalités sociales de santé existant dans la Capitale-Nationale entraînent des maladies chroniques diverses ainsi que des incapacités précoces.

À la lumière de la version provisoire du rapport d’évaluation environnementale, on comprend aisément que le projet Laurentia participerait à l’aggravation des déséquilibres entre les territoires de la ville de Québec en accentuant le cumul des désavantages subis par les résidentes et les résidents de Limoilou, Maizerets et Beauport.

Plus encore, la construction du quai et son exploitation iraient à l’encontre des recommandations du directeur régional de santé publique d’inscrire, dans la région de la Capitale-Nationale, l’équité en santé au cœur des projets et de développer des environnements sains et favorables à la santé (Directeur régional de santé publique sur les inégalités sociales de santé de l’Agence de la santé et des services sociaux de la Capitale-Nationale, « Comprendre et agir autrement, pour viser l’équité en santé dans la région de la Capitale-Nationale », 2012, p. 117 : https://www.ciusss-capitalenationale.gouv.qc.ca/sites/default /files/rapportiss_versionintegrale.pdf).

L’argument des retombées économiques

La région de la Capitale-Nationale est considérée favorisée sur le plan économique. Malgré la pandémie actuelle, le ministre des Finances Éric Girard prévoit un retour au plein emploi au Québec vers la fin de 2021 (Bossé, « Retour au plein-emploi dans un an et demi, prévoit Girard », Le Soleil, 14 mai 2020 : https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/retour-au-plein-emploi-dans-un-an-et-demi-prevoitgirardf9be6879bc4998a 13c6a684904b8a3a3). En ce sens, l’argument des retombées économiques locales, par ailleurs contestable vu la nature hautement automatisée des opérations, ne saurait d’aucune manière compenser les externalités négatives importantes du projet Laurentia.

Celui-ci nous semble plutôt de nature à aggraver les inégalités économiques.

D’une part, le projet entraînerait des effets environnementaux « résiduels négatifs importants directs et cumulatifs » sur les conditions socioéconomiques liées à la pêche locale récréative et commerciale (AEIC, Version provisoire du rapport d’évaluation environnementale fédérale pour le projet Laurentia, p. 233).

D’autre part, il est peu probable que les populations des quartiers concernés bénéficient substantiellement du projet. Les principaux bénéfices économiques seront pour les investisseurs et d’autres grands acteurs qui ne subiront pas les externalités négatives de l’exploitation du terminal à conteneurs.

Notre position

Depuis quelques années, le Monde fait face à des défis de société importants. Parmi eux, la préservation de la qualité de l’eau, de l’air et des sols, ainsi que la diminution des inégalités socioéconomiques.

Les situations d’injustices environnementales et sanitaires sont associées à des causes structurelles. Elles relèvent de choix de société (Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, « Les inégalités sociales de santé dans Basse-Ville et Limoilou–Vanier, Regard spécifique sur 18 indicateurs », 2018, p. 27).

L’Agence l’aura compris : d’un point de vue scientifique, rien ne justifie la décision d’une dégradation supplémentaire, de la qualité de l’air, de l’eau et de l’écosystème du fleuve Saint-Laurent.

Le projet Laurentia ne doit pas être réalisé.

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