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5 février 2025

Résumé du troisième midi-débat : « Qu’est-ce que l’université complète? »

Le 23 janvier dernier, le SPUL a organisé un débat sur le concept d’université complète, réunissant Maxime Coulombe (Département des sciences historiques) et Bruno Courbon (Département de langues, linguistique et traduction), deux professeurs impliqués dans les discussions sur l’avenir de l’Université Laval. Il a été animé par la présidente du SPUL, Marie-Hélène Parizeau, également professeure à la Faculté de philosophie.

La notion d’université complète est inscrite dans l’article 1.3.06 de la convention collective, qui stipule que l’Université Laval doit couvrir « les principaux domaines du savoir en adéquation avec l’évolution des champs disciplinaires » et que cela constitue « une richesse à préserver », notamment pour encourager l’interdisciplinarité.

Maxime Coulombe a défendu cette vision en insistant sur le fait que ce principe assure la diversité et la complémentarité des savoirs. Il a affirmé : « Une université complète, c’est une université qui ne se spécialise pas à outrance dans quelques disciplines au détriment des autres. C’est un équilibre à maintenir. » Bruno Courbon, quant à lui, a mis en avant les défis concrets liés à la répartition des ressources : « Si l’université complète est une richesse, encore faut-il qu’elle soit soutenue adéquatement, notamment en matière de postes professoraux et de financement des disciplines plus fragiles. »

L’un des enjeux majeurs du débat concernait la distribution des nouveaux postes professoraux. Un comité paritaire, dont Bruno Courbon est membre, est chargé de répartir 15 nouveaux postes dans les unités jugées vulnérables ou fragilisées. Cet enjeu illustre un tiraillement entre la nécessité de préserver toutes les disciplines et la réalité budgétaire, qui oblige à faire des choix difficiles.

Maxime Coulombe a souligné que cette répartition doit se faire en respectant l’esprit d’une université complète : « Certains domaines, jugés moins rentables économiquement, risquent d’être négligés. Or, une université complète doit garantir une place pour toutes les disciplines, même celles qui attirent moins de financement externe. » De même, Bruno Courbon a ajouté que : « La vulnérabilité d’un département ne doit pas seulement être mesurée en fonction du nombre d’étudiants, mais aussi en fonction de son rôle stratégique dans l’équilibre global de l’université. »

« Certains domaines, jugés moins rentables économiquement, risquent d’être négligés. Or, une université complète doit garantir une place pour toutes les disciplines, même celles qui attirent moins de financement externe. »

– Maxime Coulombe

Maxime Coulombe a illustré son propos par un exemple qui le concerne, c’est-à-dire l’importance des sciences historiques, soulignant que l’histoire ne se limite pas à la recherche fondamentale, mais alimente également d’autres disciplines comme l’enseignement de l’histoire aux niveaux secondaire et collégial. La stabilité de ce champ est donc essentielle, non seulement pour la recherche, mais aussi pour son impact pratique dans l’éducation.

L’Université Laval joue également un rôle actif dans la Ville de Québec, une capitale dotée d’institutions culturelles majeures telles que l’Orchestre symphonique et le Musée national des beaux-arts. Il serait contradictoire, selon lui, qu’une université située dans un tel environnement ne maintienne pas d’expertise en sciences historiques, notamment en histoire de l’art, disciplines intrinsèquement liées à l’identité culturelle de la ville et du Québec.

« Les plus grandes avancées de la recherche émergent souvent à l’interface entre plusieurs disciplines. Une université complète, c’est aussi une université qui favorise ces croisements. »

– Maxime Coulombe

Un autre point clé du débat fut le rôle de l’interdisciplinarité, un concept explicitement mentionné dans la convention collective comme un enjeu central de l’université complète. Maxime Coulombe a mis en avant le potentiel de l’interdisciplinarité. Il a rappelé que « les plus grandes avancées de la recherche émergent souvent à l’interface entre plusieurs disciplines. Une université complète, c’est aussi une université qui favorise ces croisements ». Bruno Courbon a ajouté que si « l’interdisciplinarité est un objectif noble, […] elle ne peut pas se faire au détriment d’une base disciplinaire solide. Il faut d’abord garantir la stabilité des départements avant d’encourager les collaborations transversales ».

Le débat a également soulevé la question de l’adaptation de l’université aux nouveaux défis, notamment face à l’évolution du marché du travail et à la compétition entre universités. Maxime Coulombe considère que « l’université ne doit pas se transformer en simple fournisseur de formations adaptées aux besoins immédiats du marché. Sa mission est avant tout d’assurer un enseignement et une recherche de qualité dans tous les domaines du savoir ». Bruno Courbon a poursuivi sur le besoin d’une certaine adaptation aux réalités modernes : « Il faut un équilibre entre la préservation du modèle traditionnel et la prise en compte des évolutions sociétales et technologiques. »

Il a cité l’exemple de l’évolution de la linguistique, dont les connaissances fondamentales participent au développement des modèles de langage derrière l’intelligence artificielle générative.

Ce débat a permis d’explorer différentes visions de ce que signifie être une université complète, mettant en lumière des tensions entre :

  • Préserver une diversité disciplinaire vs répartir efficacement les ressources;
  • Encourager l’interdisciplinarité vs consolider les disciplines fondamentales;
  • Maintenir un modèle académique généraliste vs répondre aux nouvelles réalités sociales et économiques.

Les interventions du public ont montré que le concept d’université complète est largement soutenu, mais qu’il pose aussi des défis concrets :

  • Comment répartir les ressources sans pénaliser certains départements?
  • Jusqu’où pousser l’interdisciplinarité sans affaiblir les spécialités?
  • Comment concilier indépendance académique et pression des financements externes?

Plusieurs grandes préoccupations ont été soulevées :

  • L’inquiétude sur la répartition des postes et la crainte de voir certaines disciplines marginalisées;
  • La défense des sciences fondamentales, jugées essentielles malgré un manque de rentabilité immédiate;
  • L’importance de l’interdisciplinarité, mais aussi les défis organisationnels qu’elle pose;
  • La précarisation des jeunes chercheur(-euse)s et professeur(e)s, perçue comme un problème structurel;
  • La place de l’intellectuel au sein de l’université face aux technicien(ne)s du savoir;
  • L’impact des politiques gouvernementales sur la gestion des ressources et l’orientation des universités.

Ce débat a ainsi permis de poser les bases d’une réflexion sur l’avenir du modèle universitaire à l’Université Laval et, plus largement, sur le rôle de l’université comme institution publique dans la société. Ces échanges ont ainsi confirmé que la définition et l’application du modèle d’université complète resteront des enjeux centraux pour l’avenir de l’Université Laval. Enfin, défendre une université complète implique un modèle de financement équilibré, où les facultés mieux dotées soutiennent les disciplines plus fragiles, évitant ainsi une dérive vers une université uniquement axée sur la rentabilité immédiate et la recherche appliquée.

Pour compléter ce bref survol, nous vous invitons à visionner la captation du midi-débat en cliquant sur la vignette ci-dessous. Bonne écoute!

Lien audio :

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